Covid, grippe... Un employeur peut-il obliger ses salariés à se faire vacciner ?

Alors que le 3 octobre dernier débutait une nouvelle campagne de rappel avec les nouveaux vaccins ciblant le variant majoritaire Omicron, il est opportun de faire un point sur l’obligation vaccinale contre le COVID-19 mais aussi sur la faculté offerte à l’employeur de l’imposer ;

 

se faire vacciner contre la grippe ou le COVID-19

 

On rappellera que les dispositions de l’article L.3111-4 du Code de la santé publique imposent aux personnes qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exercent une activité professionnelle les exposant ou exposant les personnes dont elles sont chargées à des risques de contamination, de se faire vacciner contre :

  • l’hépatite B ;
  • la diphtérie;
  • le tétanos ;
  • la poliomyélite ;
  • et la grippe.

En fonction de ce texte, les employeurs des personnes expressément visées peuvent légalement imposer ces vaccins à leurs agents ou salariés.

Le refus persistant du travailleur d’être vacciné, peut justifier son éviction c’est-à-dire son licenciement, sauf naturellement contre-indication médicale (Cour de cassation, ch. Soc. Décision du 11/7/2012 n° 10-27.888).

Pour ce qui est des autres travailleurs, c’est-à-dire ceux qui n’exercent pas leur activité là où la règlementation applicable à l’entreprise impose la vaccination, il n’y a pas de disposition légale permettant aux employeurs d’imposer la vaccination contre la grippe.

Une sanction qui serait prise suite à un refus serait donc irrégulière et, partant, un éventuel licenciement serait inéluctablement abusif.

Le régime de l’obligation vaccinale contre le COVID-19 est différent.

Depuis le 14 mars 2022, le pass vaccinal a été suspendu.

Par contre, l’obligation vaccinale s’applique toujours à certains travailleurs.

L’article 12 de la loi 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire dresse la liste des personnes soumises à l’obligation vaccinale.

Cette énumération conséquente s’organise selon plusieurs critères :

  • le lieu d’exercice de l’activité professionnelle (centres de santé, maisons de santé, centres de dépistage, établissements de santé etc.) ;
  • l’activité professionnelle exercée (infirmiers à domicile, sapeurs-pompiers marins-pompiers assurant la prise en charge des victimes, ostéopathes, chiropracteurs, psychothérapeutes, transporteurs sanitaires) ;
  • le statut de la personne en activité (les étudiants ou élèves des établissement préparant à l’exercice des professions mentionnées plus avant) ;

Le même article prévoit une exception à l’obligation vaccinale pour les personnes chargées de l’exécution d’une tâche ponctuelle au sein des locaux dans lesquels les personnes soumises à cette obligation travaillent.

Cette exception s’applique par exemple aux salariés d’entreprises extérieures intervenant de manière non récurrente pour accomplir des tâches de très courte durée en ces lieux.

Le champ d’application de l’obligation vaccinale contre le COVID-19 est donc bien plus large que celui de l’obligation vaccinale contre la grippe.

Le régime applicable à la méconnaissance de l’obligation vaccinale contre le COVID-19 s’en trouve dès lors plus favorable.

En effet, le refus du salarié ou de l’agent de se faire vacciner ne peut à lui seul servir de fondement à une rupture de la relation professionnelle.

Il est précisé qu’il serait particulièrement périlleux de contourner cette interdiction en fondant ladite rupture sur le trouble objectif causé au bon fonctionnement de l’entreprise ou sur la désorganisation de celle-ci.

Toutefois, l’employeur étant soumis à une obligation dite de moyen renforcée en matière de santé au travail, pourra suspendre l’exécution de la relation de travail et donc la rémunération ou le traitement de son subordonné.

En l’état, il n’y a pas de décision tranchant définitivement le sujet car il est entendu que la suspension ne peut être imposée à très long terme.

Le dénouement reste à écrire notamment pour les personnes dont le contrat de travail a été suspendu de ce chef, pour certains donc depuis octobre 2021…

L’Académie Nationale de Médecine a exprimé sa ferme opposition à leur réintégration, estimant en tout état de cause qu’elle « mettrait en péril les malades fragiles. Ne concernant quun nombre très limité de soignants, elle ne résoudrait pas les difficultés actuelles de fonctionnement de lhôpital. » (Communiqué de l’Académie Nationale de médecine du 19 juillet 2022.

On sait que l’Assemblée Nationale a récemment eu à se prononcer sur le sujet.

Il a été décidé après un vote un peu arrangé… que l’obligation serait maintenue avec les sanctions ci-dessus décrites en tout cas pour le moment.

Le sujet ne manquera pas de faire l’objet, soit d’une modification législative, soit d’une intervention jurisprudentielle dans la mesure où, une fois encore, le principe même d’une suspension du contrat de travail ne peut être envisagé à très long terme.

La suite donc au prochain épisode…

Christophe WACQUET

Membre du réseau PRIMAJURIS, réseau d'avocats indépendants choisis pour leur sérieux et répartis sur l'ensemble du territoire.

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