CSE : le défaut de respect de la parité engendre l’annulation des élections

Les incidences de la loi REBSAMEN du 17 aout 2015 sur l’objectif de parité homme/femme à l’occasion de l’élection des comites sociaux et économiques : le défaut de respect de la parité engendre  l’annulation des élections.

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Par application des termes de l’ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017, les anciennes instances représentatives du personnel, à savoir les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ont été supprimées pour mettre en place, désormais, des comités sociaux et économiques (CSE).

Cette modification a amené les entreprises concernées à organiser des élections professionnelles « nouvelle formule » avec, au préalable, la régularisation, entre l’employeur et les organisations syndicales, d’un protocole préélectoral prévoyant notamment la composition des collèges de titulaires et suppléants.

En d’autres termes, un accord prévoyant le cadre de l’élection, le nombre d’élus ou encore la proportion d’hommes et de femmes à élire.

Le sujet est délicat dès lors que depuis la loi dite « Rebsamen » du 17 août 2015, les listes présentées doivent respecter un impératif de parité et de représentation équilibrée d’hommes et de femmes.

Le nombre de femmes candidates doit être proportionnel au nombre de femmes présentes au sein d’un même collège.

Ces dispositions sont d’ordre public absolu (Cass, sociale, 9 mai 2018, n°17-60133).

La mise en application de ces principes a engendré des interrogations, sans véritable recul jurisprudentiel à ce stade.

C’est dans ces conditions qu’un litige a opposé la CFTC à la CFDT METAUX en l’occurrence à l’occasion d’élections professionnelles organisées au sein d’une entreprise des Hauts de France.

En l’occurrence et alors que les listes des différents syndicats devaient comporter la présence effective d’une femme, la CFDT avait pris parti de n’en présenter aucune et avait, pour tenter de respecter les obligations qu’elle pensait siennes … supprimé un homme…

De son côté, la CFTC avait considéré que la présence d’une femme sur chaque liste était impérative, indépendamment des circonstances et même sans alternative possible.

Deux questions se sont ainsi posées, en l’occurrence pour la première, celle de l’interprétation et de la mise en œuvre de la parité, pour la seconde, des  sanctions attachées au non-respect des prescriptions posées par la Loi REBSAMEN.

Le Tribunal d’Instance d’ABBEVILLE a été saisi.

Le débat s’est porté tout particulièrement sur l’interprétation de la sanction sachant que traditionnellement la sanction du non-respect de la parité est l’annulation seulement des élus sur-représentés, c’est-à-dire ceux qui ont été élus au-delà du quantum imposé pour le respect l’égalité homme-femme.

Il était pour autant en l’occurrence impossible, de déterminer quels étaient les élus sur-représentés alors qu’aucune femme n’avait été présentée par la CFDT, précisément faute de candidate effective.

Le Tribunal d’Instance d’ABBEVILLE a fait pencher la balance du côté de la CFTC dont notre cabinet avait pris la charge des intérêts, en l’occurrence en censurant la position de la CFDT qui se considérait légitime à ne pas présenter de femmes au prétexte qu’un homme avait été retiré de sa liste.

Le Juge ainsi saisi a rappelé que les dispositions relatives à la parité étaient d’ordre public et devaient conduire, bien que cet impératif puisse poser difficulté en pratique, à présenter un nombre de femme dans le strict respect de la parité.

En l’occurrence,  même si aucune candidate ne se manifestait !

Le Juge a considéré que la parité impérative était absolue et sans aménagement et que les listes présentées à l’occasion d’élections professionnelles, devaient être conformes à ce principe.

La Cour de Cassation avait eu l’occasion, peu de temps avant ce cas d’espèce, de se prononcer en faveur de cette position :

« Le premier alinéa de l’article L. 2324-22-1 du code du travail impose à chaque liste de candidats aux élections des représentants du personnel au sein du comité d’entreprise de comporter un nombre de femmes et d’hommes proportionnel à leur part respective au sein du collège électoral. »

La solution était ici transposable.

Dès lors, le Juge a-t-il pu considérer que la CFDT aurait dû présenter une candidate et ne l’ayant pas fait, c’était l’entière liste qui n’était pas conforme au texte applicable rendant ainsi tous les hommes élus en surnombre.

La juridiction a donc confirmé deux positions de principe particulièrement importantes sur l’application du texte considéré.

Tout d’abord, le principe de la parité impérative absolue Homme/femme.

Ensuite, celui de l’annulation pure et simple de l’ensemble de la liste dans l’hypothèse de l’absence de toute femme sur celle-ci, en l’occurrence 6 hommes, le Tribunal ayant alors considéré qu’ils étaient tous en sur-représentation.

Cette décision qu’il est possible pour le moment de considérer comme de principe, est particulièrement importante en matière de contentieux électoral sur le sujet posé de la parité.

Elle fixe les obligations des syndicats en matière de présentation des candidats et la sanction qui doit être tirée du non-respect de cette même parité.

On rappellera d’ailleurs que celle-ci, si elle est très sévère, ne touche que le syndicat fautif, la CFTC ayant pour sa part, vu sa liste et ses élus maintenus, tel que décidé à l’issue du scrutin.

Certes un pourvoi en cassation est en cours.

Mais pour le moment, c’est bien cette décision du Tribunal d’ABBEVILLE qui fait office de référence sur le sujet, pour lequel à notre connaissance, il n’avait pas encore été tranché.

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